Émeutes d’Athènes

En décembre 2008, des émeutes éclatent à Athènes avant de s’étendre à tous le pays. Les émeutiers, au départ surtout des lycéens et des étudiants, sont rejoints par les autres opprimés d’Athènes dans leur lutte contre l’État et le pouvoir dominant. Sans chercher la dénonciation, il est intéressant d’identifier ce pouvoir. Les prises de position ont été clairement marqué lors des émeutes d’Athènes; on peut y lire un face à face entre une multitude en révolte et une élite au pouvoir, comme un négatif l’un de l’autre. L’État peut se définir par sa capacité à opprimer, à séparer le centre des marges. Il existe donc en conséquence face à lui une multitude d’exclus, de mal-nommés. Son pouvoir est celui de la nomination. C’est l’État qui définit telle personne, tel être humain comme « l’autre, le différent, le détenu, l’immigré, l’anarchiste, le gréviste, l’exception,… »[1]. Ou comme le dit John Holloway, « l’identification, c’est la domination ». L’État identifie, classifie et nomme ses Autres.

« Ces jours-ci appartiennent à tous les marginaux, les exclus, les personnes aux noms difficiles à prononcer et aux histoires méconnus. »[2]
Les émeutes sont avant tout un cri. Un cri comme une prise de parole impossible. Face à un pouvoir qui nous nomme, comment se choisir un nom ? Comment parler en notre nom ? C’est ce premier geste qui est une révolte. Un geste, qui annule le vote, en reprenant notre pouvoir de représentation ; se représenter soi-même.
La suite des événements va se construire à partir de ce premier geste. Après la prise de parole, la multitude, consciente de ses divisions, cherche à se rencontrer, à se réunir. Une première convergence, celle de l’émeute, de la nécessité du cri, en amène une deuxième, théorique, poli- tique. Elle se trouve un statut commun, celui d’opprimé. Les diverses composantes de la multitude qui se révolte en Grèce, à ce moment là, ont des bagages théoriques divers; l’anarchisme, le marxisme, le féminisme, le post-colonial.

Ce qui est remarquable lors de ces émeutes est la rencontre de ces bagages théoriques et leur convergence. Il existe des liens forts entre ces théories. Elles contestent toutes le récit dominant, le pouvoir de nomination, par des contre-récits.
Les citoyens d’Athènes, dans le mythe d’Oreste[3], se réunissent en assemblée pour juger et absoudre les crimes d’Oreste, allant à l’encontre du jugement des Érinyes, les divinités persécutrices. Comme dans le mythe, les citoyens re-prennent le pouvoir aux mains d’un supérieur, par la parole. Les contre-récits permettent à la multitude en révolte de reprendre possession de son lieu de vie le temps de l’émeute.


  1. Collectif STEKI Espace Autonome, Këto ditë janë dhe të tonat… Ces jours-ci nous appartiennent à nous aussi, dans revue Multitudes n° 36, Paris, Éd. Amsterdam, 2009, p203

  2. Collectif STEKI Espace Autonome, Këto ditë janë dhe të tonat… Ces jours-ci nous appartiennent à nous aussi, dans revue Multitudes n° 36, Paris, Éd. Amsterdam, 2009, p203

  3. ESCHYLE, L’Orestie, Paris, Flammarion, 2001