Médias intimes
Dans la tension politique actuelle autour des nouveaux médias, particulièrement Internet, l’évolution de notre rapport aux médias est la question centrale. Le développement des technologies d’information et leur démocratisation ont modifiés notre foi dans les médias traditionnels, comme la télévision, les journaux et la radio.
Par l’utilisation des médias en ligne, les utilisateurs expérimentent l’information en croisant des sources diverses. Les images d’Internet ne sont pas perçues comme réalistes, comme l’ont pu être les images télévisuelles, mais sont mise en doute par un « processus de discussion, de vérification et de controverse »[1].
Dans le contexte de globalisation de l’information, que ce soit par les agences à la Reuters ou par des alternatives comme Global Voices[2], l’expression du quotidien devient un témoignage, une source d’information. Ainsi, il n’y a plus nécessité de ne se référer qu’à des sources fiables, comme l’ont été les journaux. Sans prôner leur obsolescence, il est remarquable que les médias traditionnels sont aujourd’hui un témoignage parmi d’autres.
« Ce qui est remarquable et nouveau dans la crise de légitimité de l’audiovisuel, ce n’est pas tant l’accumulation des scandales, que le doute généralisé que suscite désormais toute image enregistrée ; doute révélateur d’une séparation croissante entre le « voir » et le « croire ». Le pacte de conformité qui liait jusqu’à présent l’enregistrement et la chose enregistrée s’est rompu. »[3]
Dans la pratique, ce nouveau régime de croyance apparaît particulièrement dans les utilisations des blogs. Avant tout, le blog est un média d’auto-publication, c’est à dire une forme d’expression de soi. Il est par essence un moyen de témoignage. Le blog permet la diffusion d’un témoignage « avec une puissance multimédia rivalisant avec celle de la télévision»[4]. Parce qu’il est un moyen accessible à tous,le blog permet une horizontalité de l’information et par cela même « la prise en compte de positions minoritaires »[5].
« Le statut du récit informatif mute : non plus récit indiscutable, cascades de scènes reflétant fidèlement la disposition linaire des segments évènementiels, mais hypothèses, possibilités, mises en scène, fictions. »[6]
Mais internet n’amène pas seulement l’horizontalité des sources d’informations mais aussi un réarrangement des liens qu’il existe entre ces sources. Par l’hyperlien, un lien attaché à un mot dans un texte vers une autre source, ces sources se structurent par des « liens transversaux, en dehors de leurs milieux d’origine ou d’adoption »[7]. Non seulement parce qu’internet « relie des ensembles machiniques les plus hétéroclites, mais aussi parce que les composantes humaines de ces ensembles […] développent ces transversalités par des pratiques de libre association, dans le sens anarchiste »[7]. L’information est construite de manière subjective par les auteurs/lecteurs/diffuseurs. La pratique de l’information aujourd’hui est à envisager comme « production et diffusion de sensible et d’identités, comme flux de subjectivités et de données, bref comme dissémination de médias intimes »[8].
L’information, devenant un ensemble de témoignages, se métamorphose en récits subjectifs, multiples, collectifs et anonymes. Ces récits sont des mythes contemporains qui construisent notre perception du monde, notre rapport au réel.
Jean-Louis WEISSBERG, «La crise fiduciaire des médias de masse», dans la revue Multitudes, n° 21, Paris, Éd. Amsterdam, 2005, p55 ↩
Global Voices est un site participatif de traduction de blogs d’infos, globalvoicesonline.org. ↩
Jean-Louis WEISSBERG, «La crise fiduciaire des médias de masse», dans la revue Multitudes, n° 21, Paris, Éd. Amsterdam, 2005, p51 ↩
Brian HOLMES, «Libre association», dans la revue Multitudes, n° 21, Paris, Éd. Amsterdam, 2005, p38 ↩
Félix GUATTARI, «Un média pour les mouvements?», in Terminal, n°42, février 1989 ↩
Jean-Louis WEISSBERG, «La crise fiduciaire des médias de masse», dans la revue Multitudes, n° 21, Paris, Éd. Amsterdam, 2005, p56 ↩
Brian HOLMES, «Libre association», dans la revue Multitudes, n° 21, Paris, Éd. Amsterdam, 2005, p38 ↩ ↩
Aris PAPATHEODOROU, «Syndication, information nomade et médias intimes», dans la revue Multitudes, n° 21, Paris, Éd. Amsterdam, 2005, p76 ↩