Blak beauty
by Romaine Moreton. [1]
Texte sous copyright.
Traduction de l’anglais par Estelle Castro et Philippe Guerre pour la revue Multitudes. Traduction ici
This has been held on my lips
since time
immemorial
there is blakness
beneath these nails
for I know this earth
and wear her well
she has been
strapped round my waist
woven into my scalp
tied ’round my breasts
poised in my hair
or dried
at the corners of
my mouth
she has been stomped
and torn
blessed and worn
this is my
earth
she’s the colour of
blak
my blood is both the ocean
and the tree
it can be whipped into anger
or move like tranquillity
clay is my words
the stone my friend
the sea my market
and trees my weapon
this is my earth
she’s the colour of
blak
blak is the blood of wallaby
it is mother of pearl
it is shell of oyster
it is paw of the warrigal
it is bark of turtles
it is the bark of dogs
it is the bark of birds
it is the bark
of logs
this is my earth
she’s the colour of
blak
I move like shadows
betray the mood of the sun
I hang like clouds
and promise nothing
I tamper like the cyclone
so that you do not recognise
the before
I shatter like the earthquake
ripping to the core
this is my earth
she’s the colour of
blak
my ancestors dwell
in the beauty of the blackboy
the limits of the lark
the plume of emu
and tooth of shark
they curve like the coolamon
and straight like the spear
recover like the boomerang
and persist like fear
this is my earth
she’s the colour of
blak
though centuries
have so defined
moving blakness
towards that which is evil
making it outlaw
to worship the beauty
of that
which is blak
from within this limitation
was born the like of
black art
belonging to witches
and their magic
black comedy
is gruesome and tragic
black Friday is generally unlucky
black eye
something which has suffered a blow
blackmail
black market
black throat
this is my earth
she’s the colour of
blak
for there is the black swan
a most majestic bird
the black matipo
a tree which is evergreen
this is not absence of light
without milk
or
cream
there is the black pine
or black wattle
a very small tree
the surface of black
absorbs the light of all hues
equally
this is my earth
she’s the colour of
blak
she is not the colour of the
amoral
she is not the colour of the
damned
she is not the colour of the
carcass
she is not the colour of
harm
she is not the colour of
wretched
she is not the colour of
doom
this is my life
it’s the colour of
blak
it is the colour of
survival
it is labour of peace
it is sweat of endurance
and courage which knows
no
defeat
it is living of the land
and self sufficiency
it is adornment made from
shells, teeth and trees
it is the voice of wood
and man combined
it is expression both of body
and of mind
it is custom
it is lore
it is the envelopment of all hues
which have passed before
yes,
this is my earth
she’s the colour of
blak
I shall surprise you by my will
I will make oppression work for me
with a turn and with a twist
be camouflaged within stated ignorance
then rise
I surprise you by my will
I will make oppression work for me
with a turn and with a twist
I shall sit cross-legged like a trap door
then rise
I surprise you by my will
I will let you pass me over
believe me stupid and ill informed
then once you believe me gone or controlled
will rise
and surprise you by my will
I shall spring upon you words familiar
then watch you regather as they drop about
like precious tears thick with fear
hear you scream and shout
then I shall watch convictions break away
and crumple like paper bags,
and then as beauty I shall rise
and surprise you by my will
it is only when you believe me gone
shall I rise
from this place where I
wait
cross-legged
wait
to surprise you by my will
in the alleys, in the clubs, in the parliaments
In courts of law, parking cars, driving buses
and generally watching you
watching me
as you pass me by
I shall wait cross-legged
wait
to surprise you by my will,
for I shall stumble from houses of education,
and I shall stumble from institutions of reform,
I shall stumble over rocks, over men, over women,
over children,
and surprise you by my will
I shall stumble over poverty, over policies, and
over prejudice,
weary and torn
I stumble
then bleary and worn I shall rise
from this place where I wait cross-legged,
wait
to surprise you by my will
for the mountains we crossed
they were easy
and the rivers we swam
they were easier still
and even then
as I attempted to outrun inhumanity
I surprised you by my will
I have witnessed the falling of many
heard them cry and hear them still
even with grief inside me growing
I command my spirit to rise
and surprise you by my will
and for all people
we are here and we are many
and we shall surprise you by our will
we will rise from this place where you expect
to keep us down
and we shall surprise you by our will
for the bullets we dodged
they were difficult
and this ideological warfare
more difficult still
but even now
as we challenge inhumanity
we shall rise
and surprise you by our will
Mes lèvres détiennent tout cela
depuis des temps
immémoriaux
il y a de la noirceur
sous ces ongles
car je connais cette terre
et je la porte bien
elle a été
enroulée autour de ma taille
tressée dans le cuir de mon crâne
ceinte à mes seins
déposée dans mes cheveux
ou séchée
à la commissure
de mes lèvres
elle a été foulée
et tiraillée
bénie et fatiguée
ceci est ma
terre
sa couleur est
noire
mon sang est l’océan
et l’arbre à la fois
il peut se changer en colère
ou couler comme la tranquillité
l’argile est mes mots
la pierre mon amie
la mer mon marché
et les arbres mes armes
ceci est ma terre
sa couleur est
noire
le noir est sang du wallaby
nacre
coquille de l’huître
patte du warrigal
cri de tortues
aboiement de chiens
chant des oiseaux
écorce
des bûches
ceci est ma terre
sa couleur est
noire
Je me déplace comme les ombres
trahis l’humeur du soleil
Je plane comme les nuages
et ne promets rien
Comme le cyclone je brouille tout
pour que vous ne puissiez reconnaître
le passé
Je pulvérise comme un séisme
gagnant le noyau terrestre
ceci est ma terre
sa couleur est
noire
mes ancêtres séjournent
dans la beauté du blackboy
le périmètre de l’alouette
les plumes de l’émeu
la dent du requin
ils s’arquent comme le coolamon
se dressent comme le javelot
font retour comme le boomerang
et persévèrent comme la peur
ceci est ma terre
sa couleur est
noire
en dépit des siècles
l’ayant ainsi définie
orientant le noir
vers ce qui est mal
mettant hors la loi
le culte de la beauté
de ce qui
est noir
dans cet espace limitatif
ont vu le jour des choses comme
la magie noire
propriété des sorcières
et de leurs sortilèges
l’humour noir
est horrible et tragique
le Black Friday est un jour de malchance
l’œil au beurre noir
un œil ayant reçu un coup
chantage
marché noir
gorge noire
ceci est ma terre
sa couleur est
noire
car il y a le cygne noir
un oiseau majestueux
le matipo noir
un arbre vert en toute saison
ceci n’est pas l’absence de lumière
sans lait
ou
sans crème
il y a le pin noir
ou encore l’acacia noir
un tout petit arbre
la surface noire
prend la lumière de toutes les teintes
harmonieusement
ceci est ma terre
sa couleur est
noire
ce n’est pas la couleur
de l’amoral
ni celle
des damnés
ce n’est pas la couleur
des cadavres
ni celle
de ce qui blesse
ce n’est pas la couleur
des misérables
ni celle
de la fatalité
ceci est ma vie
sa couleur est
noire
c’est la couleur
de la survivance
c’est le travail de paix
c’est la sueur de l’endurance
et du courage qui ne connaît
nulle
défaite
c’est vivre de la terre
et c’est s’autosuffire
c’est faire des ornements
d’arbres, coquillages et dents
c’est la voix du bois
à celle de l’homme associée
c’est le corps et l’esprit
tous les deux exprimés
c’est l’us
les traditions
l’écrin de toutes les couleurs
qui ont lui par le passé
oui,
ceci est ma terre
sa couleur est
noire
Je vous surprendrai par ma volonté
Je la ferai travailler pour moi, l’oppression
d’un tour de main et de passe-passe
Je me camouflerai dans une ignorance affichée
puis je me lèverai
Je vous surprends par ma volonté
Je la ferai travailler pour moi, l’oppression
d’un tour de main et de passe-passe
Je serai assise jambes croisées comme une trappe
et je me lèverai
Je vous surprends par ma volonté
Je vous laisserai m’ignorer
me croire dans l’idiotie, mal informée
puis quand vous me croirez partie, ou sous contrôle
je me lèverai
et vous surprendrai par ma volonté
Je ferai pleuvoir sur vous des paroles familières
puis vous regarderai reprendre vos esprits sous leurs gouttes
telles de précieux pleurs remplis de peur
et vous entendrai crier, vociférer
je regarderai vos convictions partir au loin
se chiffonner sacs de papier
et alors comme beauté je me lèverai
et vous surprendrai par ma volonté
ce n’est qu’au moment où vous me croirez partie
que je me lèverai
depuis ce lieu où moi
j’attends
jambes croisées
attends
de vous surprendre par ma volonté
dans les ruelles, les clubs, les parlements
dans les tribunaux, en garant des voitures, en conduisant des bus
le plus souvent vous regardant
me regardant
me passant à côté
J’attendrai jambes croisées
attendrai
de vous surprendre par ma volonté
car je trébucherai en sortant des lieux d’éducation
et je trébucherai en sortant des maisons de redressement
je trébucherai sur des rochers, des hommes, des femmes,
sur des enfants,
et vous surprendrai par ma volonté
Je trébucherai sur la pauvreté, les politiques menées et
sur les préjugés
lassée et tiraillée
Je trébuche
puis éreintée, usée, je me lèverai
depuis ce lieu où j’attends jambes croisées
attends
de vous surprendre par ma volonté
car franchir les montagnes
c’était facile
et nager pour traverser les rivières
encore plus facile
et même alors
que j’essayais de distancer l’inhumanité
je vous ai surpris par ma volonté
j’ai été témoin de la chute de plus d’un
que j’ai entendus crier et entends encore
et même avec cette peine qui grandit en moi
j’ordonne à mon esprit de se lever
et de vous surprendre par ma volonté
et à tous !
nous sommes toujours là et nous sommes nombreux
et nous vous surprendrons par notre volonté
nous nous lèverons depuis ce lieu où vous espérez
nous garder à terre
nous vous surprendrons par notre volonté
car esquiver les balles
c’était difficile
et cette guerre idéologique
encore plus difficile
pourtant même à présent
que nous défions l’inhumanité
nous allons nous lever
et vous serez surpris par notre volonté
Romaine MORETON, Blak beauty, publié dans la revue Multitudes, n° 29, Paris, Éd. Amsterdam, 2007, p112-120 ↩